Chéri Rousseau, célèbre photographe de Saint Etienne

Sauvetage ou disparition ? Le fabuleux destin du travail des Hommes...

Il n’est pas inutile de rappeler à quel point le sauvetage du fonds photographique Poyet a tenu du miracle, ni qu’il s’agit de l’un des fonds les plus importants et les plus complets sur une si longue période du XX° siècle en France...
Mes recherches entreprises depuis 1988 sur l’histoire de ce photographe m’ont fait découvrir qu’il avait commencé sa carrière comme apprenti chez un Maître extrêmement réputé de Saint Etienne, sa ville natale, où son père était coiffeur. Il s’agissait de Chéri Rousseau, né à Bergerac (Dordogne) le 14/09/1826, mort à St-Just-sur-Loire le 01/12/1908. primé dans de nombreuses expositions nationales et internationales.
-Une fouille minutieuse des Archives départementales de la Loire m’a permis de retrouver les seuls témoignages de son activité : trois articles de presse parus l’un dans « le mémorial de la Loire » le 21 décembre 1900, « la Tribune » du même jour, et dans « l’écho du Velay » du 15 mai 1901. (voir plusieurs liens en bas de page)
Sont conservées également 66 cartes postales dont il était l’auteur, référencées dans la base de données Gaia. Et c’est tout...
Ainsi que me le faisait remarquer Monsieur Rivaton, conservateur du Musée des Amis du Vieux Saint Etienne, le sort des archives privées, entreprises, commerces, artisans, est entre les mains d’héritiers qui très souvent s’en désintéressent totalement. Ainsi, pas une plaque, pas un appareil, pas un souvenir de ce studio réputé n’a franchi les 140 ans qui nous séparent de sa création... Pas un portrait non plus, pas une seule de ces images tellement admirées par la presse de l’époque.
CHERI-ROUSSEAU François-G  avait déposé un brevet en 1848 pour l'application de la peinture sur les photographies à l'encre grasse et fut médaillé d'or à l'exposition universelle de Paris en 1878 et à l'académie en 1879, ce qui lui valut d'être une figure dans la photographie en France, et d'entrer cette même année au sein de la Société Française de Photographie (SFP). Participant à l'exposition industrielle de Marseille en 1886, il proposait des portraits "carte" en tous genres et toutes dimensions, et se spécialisa dans l'agrandissement inaltérable au charbon, en noir et polychrome. Il existe à la BNF (Bbliothèque Nationale de France - François Mitterrand, Paris) un certain nombre d'ouvrages archivés datant de 1893/1894, et qui sont des monographies : "Méthode pratique pour le tirage des épreuves de petit format par le procédéau charbon", par G. Chéri-Rousseau - cote et fonds 8-V PIECE-9852, Tolbiac Rez de jardin. Autres : NS 1580368, 8-VPIECE-10035.
cheri rousseau
Voici à titre d'informations les titres remportés par Cheri-Rousseau :

- 6 médailles d'Or à diverses Expositions,
- Diplôme d'Honneur de l'Académie des Beaux Arts,
- Médaille d'Or Exposition Universelle de Paris 1878,
( Hors Concours Exposition Universelle Paris 1889 Membre du Jury, Hors Concours Exposition Universelle de Photographie Genève 1893 Membre du Jury)

CHERI-ROUSSEAU François-G.
1825 - 1908
Société(s)
Société française de photographie :
membre, 1879.
Biographie :
Photographe.
Ami des photographes Disdéri et Etienne Carjat. Photographe de l'Empereur Napoléon III. Médaille d'or à l'exposition universelle de 1878. Il construit et exploite l'Aléthorama, appareil de cinématographe à défilement continu breveté par Paul Mortier.
Adresse : Saint-Etienne (Loire), puis 12 rue Boissy-d'Anglas, Paris (1879). Succursale à Marseille.

cheri rousseau     cheri rousseau

La « TRIBUNE » 21 décembre 1900.

C'est avec le plus grand empressement que les fervents de l'art, les amateurs du beau, se rendent à l'exposition d'art photographique, organisée par M. Chéri-Rousseau, dans son coquet hôtel de la rue de la Paix. Et, • hâtons-nous de le dire, tous sont émerveillés de ces œuvres d'un délicat artiste, dont le succès va, comme la renommée, sans cesse grandissant.
Qu'il y a loin de l'exposition de M. Chéri-Rousseau à la trop fréquente banalité de l'étalage de clichés qui n'ont en vue que l'intérêt. Ce fut là, d'ailleurs, le grand succès de l'artiste à l'exposition de Paris, où tant de chefs-d'œuvre se trouvaient réunis.
Il avait fait « nouveau » et le résultat de ses intelligentes recherches s'était imposé à l'attention des vrais artistes qui avaient su les distinguer parmi tant d'autres.
Grâce à des développements rationnés, qui nécessitent la plus délicate minutie, M. Chéri-Rousseau obtient des effets vraiment extraordinaires: l'Extase, le Ciseleur, les portraits de Berthon, le pastelliste renommé, et de M. Mariotte, le musicien si apprécie, sont des œuvres remarquables d'expression. Plus de ces fonds de convention et « flou », le visage se détache vivant sur les teintes vigoureuses et rappelle les toiles des grands maîtres.
En regardant le Coucher du soleil sur la Loire, on recherche la signature d'un artiste que ses fusains ont rendu célèbre à jamais et, au bas d'un Effet du matin sur l'étang de Magneux, on s'attend à trouver, comme à celui d'une admirable eau-forte, le nom du grand peintre Beauverie.
Crépuscule, Feuilles mortes, Chrysanthèmes sont de fins tableaux de genre, véritable régal d'artistes.
Et partout le même souci de vérité, la parfaite ordonnance, l'étude approfondie des lumières, la connaissance absolue des teintes. En parcourant l'exposition de M. Chéri-Rousseau, on est vite convaincu que les éloges qui lui ont été si souvent adressés, à si justes titres, ne sont que la faible expression de ce qui est et de ce que l'on éprouve en face des chefs-d'œuvre de l'excellent artiste qui professe par-dessus tout le vrai culte du Beau.

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Le « MÉMORIAL- DE LA LOIRE» 21 décembre 1900 
Ces jours-ci, on voit de nombreux amateurs se diriger vers le coquet hôtel de M. Chéri-Rousseau.3 rue de la Paix.
A l'intérieur est organisée une exposition photographique.
Nous disons exposition photographique, parce que c'en est une, mais il faut avouer que rien n'y ressemble moins.
Aux murs, en effet, sont appendus des — comment dire des tableaux,des toiles, des eaux-fortes .' — On ne sait, c'est autre et mieux que cela, ce sont des Œuvres !
Un étonnement vous prend, puis vous êtes envahi d'admiration, et on se demande : « Se peut-il qu'avec la Photographie on arrive à être si loin de la Photographie ? ».
Que diraient les peintres qui professent parfois du dédain pour la reproduction exacte et automatique des lignes et des contours.
Ils seraient obligés d'avouer que, cette fois, la concurrence est venue, redoutable, et qu'un homme a réussi, comme eux, à donner de l'expression, de la couleur, de la vie ; qu'il a su distribuer la lumière, faire fuir les plans et idéaliser les choses qu'il reproduit !
Mais que les peintres se tranquillisent ; cet homme est seul au monde en son genre, et, hors M. Chéri-Rousseau, les autres continuent à mériter l'appellation de « photographes ».
Quelques détails ?
Là, dans ces cadres dorés qui tueraient et rendraient plus mornes encore les grises épreuves habituelles, sont des œuvres qu'a conçues et exécutées un véritable artiste; et cet artiste s'est même fait un jeu, quand il a voulu, de prendre le meilleur de la manière des maîtres. Ce Don César de Bazan qui contemple la coquille  
curieusement ouvragée de son épée a l'allure d’un reitre de Royber ; cet Etang de Magneux a la douceur tranquille, la vaporeuse limpidité des paysages de Loire de notre Beauverie la femme en Extase ne sort-elle pas de la main d'Henner, le grand broyeur de noir et de blanc ':
Mais M. Chéri-Rousseau est lui-même lorsqu'il lui plaît : à quelle intensité d'expression n'est-il pas arrivé dans ce Liseur, ce vieillard qui penche sa tête sur le livre de science.
Et notre Dalila de la dernière saison, combien idéalisée et magnifiée, encore que si vraie, si naturelle et si reconnaissable ! Notre peintre Berthon a été pris à son tour par l'objectif et traité étrangement. Les Feuilles mortes sont un paysage où une jeune femme rêve dans la mélancolie de l'automne, et l'auteur a rendu la tristesse ardente du crépuscule de l'année. Et enfin quelque chose d'inouï, Ln Coucher de Soleil sur la Loire, qui est morceau d'un effet étonnant et qui paraîtd'autant plus intense qu'il est obtenu avec peu de moyens.
Car M. Chéri-Rousseau nous déclare qu'il ne retouche pas les épreuves, que pas un trait n'est modifié, qu'il se contente de prendre épreuves sur épreuves jusqu'à ce qu'une d'elles réalise le type qu'il entrevoit, jusqu'à ce qu'une d'elles présente ce côté heureux, cette surprise de la nature ou des êtres dans leur beau geste, leur éclairage favorable, leur vie la plus intense. Et alors seulement le manipulateur habile intervient, variant les tons, harmonisant les nuances, là est le secret, là est le faire incomparable, dont nul hors lui n'a le secret.
Et les visiteurs de l'atelier de M. Chéri-Rousseau le quittent à regret et sont unanimes à déclarer en toute sincérité que le résultat dépasse les espérances les plus optimistes et qu'il n'y a qu'un mot pour désigner cet effort qui a produit des résultats si surprenants : c'est de l'Art, un art particulier, mais dans lequel M. Chéri-Rousseau s'est élevé jusqu'à la Maîtrise ».


N’est il pas bien dommage de n’avoir que peu d' images d’un Maître aussi incontesté... Peut être en existe-t-il dans quelque grenier stéphanois, oubliées, qui réapparaitront un jour ?

cheri rousseau

Notre Jean Poyet n'était-il pas entre de bonnes mains pour commencer son apprentissage ?

Depuis le 2 novembre 2015, une page Wikipedia est consacrée à Chéri Rousseau

autre source d'informations sur Cheri Rousseau
d'autres cartes postales et un portrait de Cheri Rousseau
sur les photographes stéphanois du XIX° siècle
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