Voici, tiré de la revue " le petit photographe " de novembre 1900 un article intitulé :

Photographie pomologique, (auteur : René d'Héliécourt)


La revue " la chronique horticole " rappelle les procédés utilisés pour imprimer des lettres, chiffres, portraits, etc... sur la peau veloutée des pêches, sur l'épiderme de la pomme, et de façon plus générale, à la surface de tous les fruits qui se colorent sous l'action des rayons solaires.

Cette application n'est pas nouvelle : elle a été indiquée en 1839 dans le " traité des fruits " de Converchel, mais elle semble avoir été remise à l'honneur ces dernières années notamment à Montreuil, et les spécimens qui figurent sur les tables de nos gastronomes ne manquent pas d'étonner les profanes.

Monsieur Lucien Baltet, éminent arboriculteur troyen donne les conseils suivants :

Choisissez une pêche arrivée presque à sa grosseur et non encore colorée ; posez sur l'épiderme, du côté exposé au soleil, un poncif, c'est-à-dire un papier souple, de nuance foncée, dans lesquel sont découpés à jour les traits du dessin ou les caractères de l'inscription, et maintenez-les par des fils en caoutchouc dont vous changerez la place légèrement, chaque jour, pour que leur compression ne s'exerce pas toujours au même endroit.

La lumière solaire atteindra seulement les parties placées sous les découpures, et les teintera de carmin, tandis que la région cachée sous le papier restera verte, puis deviendra blanche lors de la maturité complète.

Ce papier découpé porte, à Montreuil, le nom de " gabarit ". Plusieurs marchands de fruits de Paris imposent à leur fournisseur leur gabarit. C'est ainsi que les négociants qui expédient sur Saint Pétersbourg, font imprimer sur leurs fruits l'aigle de Russie...

Cette opération est tout simplement un tirage d'épreuve photographique ; le poncif se comporte comme un cliché négatif, et l'épiderme du fruit comme un papier sensible.

On choisira des variétés de fruits à épiderme unis et lisses comme les pêches Cardinal, Lily Baltet, Early rivers, Lord Napier, Galopin, par exemple.

Mais un des meilleurs sujets est la pomme. Par sa conservation souvent longue, elle vous permettra de jouir, pendant plusieurs mois, de la vue de vos chefs-d'oeuvre.

Voici une concurrence qui va faire baisser le papier au citrate, et pas de bain de virage, ni de fixage.

Vous pouvez donner libre cours à votre fantaisie artistique et littéraire, imprimer des devises, le portrait de votre député, ou, par une attention spéciale, les armes ou le monogramme de vos invités, des préceptes pour les enfants gourmands et des prophéties pour les jeunes gens à marier...

Mais n'abusez pas trop du procédé et surtout, ne le généralisez pas comme ce jardinier qui avait eu la délicate attention de graver sur tous les potirons du potager, les armoiries de son maître...




Extrait de l'histoire de la photographie par l'imagerie d'Epinal